exigences et évaluations
- L'auto-évaluation
En enseignement personnalisé l’auto-évaluation, c’est-à-dire l’évaluation de l’élève par lui-même, occupe une place privilégiée. Mais pour Pierre Faure l’auto-évaluation ne doit pas être une simple correction. Elle doit surtout être « auto-instructive ».
Voici quelques exemples de procédés simples permettant l’auto-évaluation :
I. Pour l’assimilation d’une notion :
Certains exercices incluent automatiquement l’auto-correction. Ainsi en mathématiques, la vérification d’un résultat d’opération se fait tout naturellement et systématiquement par l’opération inverse (addition/soustraction, multiplication/division). La non-concordance invite à rechercher la cause de l’erreur et à reprendre l’opération.
Pour l’orthographe, nous avons déjà présenté, dans une précédente lettre d’information la méthode qui consiste à rechercher dans un texte les différentes graphies d’un même son. Est indiqué le nombre de mots à trouver pour chaque graphie. Si ce nombre est inférieur ou supérieur, il faut trouver la cause de l’erreur et reprendre la recherche.On peut aussi concevoir des fiches spécifiques pour vérifier l’assimilation de la plupart des notions en plus des fiches donnant les directives de travail. Les fiches d’auto-contrôle pourront être d’une couleur différente et placées à un autre endroit. En cas de mauvaise réponse, ces fiches pourront indiquer d’autres exercices de découverte de la notion ou une démarche différente. En cas de bonne réponse, les mêmes fiches pourront proposer de nouvelles applications et ouvrir de nouveaux horizons.
L’informatique est un outil précieux pour l’auto-évaluation. Chacun connait l’utilité du correcteur d’orthographe qui souligne immédiatement les erreurs et propose diverses corrections. On peut aussi utiliser des logiciels pédagogiques téléchargés ou en CD qui guident pas à pas l’élève et lui permettent de se contrôler. Il convient cependant de bien choisir ces outils pour qu’ils correspondent à la didactique propre à chaque discipline et aux impératifs d’un enseignement personnalisé.
II. Sur les démarches suivies par l’élève
L’auto-évaluation ne concerne pas seulement les acquisitions. Elle peut être aussi utilisée avec d’autres objectifs, par exemple lorsqu’elle porte davantage sur la forme que sur le fond. Ainsi on pourra demander à l’élève, à la fin d’une rédaction ou d’une dissertation :
s’il s’est bien relu pour vérifier l’orthographe,
s’il pense que son écriture est lisible ou sans rature,
s’il a bien prévu une introduction ou une conclusion,
quelle documentation il a utilisée,
s’il a sollicité l’aide d’un camarade ou d’un adulte,
s’il pense avoir fait preuve ou non d’imagination,
etc.
III. Sur la gestion du temps de travail
Les élèves étant libres d’organiser leurs activités comme ils l’entendent - choix des matières, des sujets, du temps passé à tel ou tel travail - il est indispensable qu’ils puissent régulièrement se rendre compte de ce qu’ils ont fait et de ce qu’ils ont réalisé par rapport à leurs prévisions. D’où des grilles très simples d’évaluation où sont prévues une colonne pour les prévisions et une autre pour les réalisations. Ils peuvent aussi comptabiliser les heures passées sur telle ou telle matière, ou encore le temps mis pour réaliser tel ou tel travail. Chacun peut ainsi vérifier sa vitesse de croisière et se rendre compte de son rythme personnel.
Enfin l’auto-évaluation peut aussi être employée pour observer le comportement et la manière de travailler en proposant de temps en temps des grilles où sont posées des questions de ce type :
J’ai travaillé lentement, normalement, rapidement ?
Je me suis dispersé ?
Je me suis arrêté plusieurs fois ?
Combien de fois ai-je demandé des explications complémentaires au professeur ou à un autre élève ?
etc.
De tels outils impliquent pour l’enseignant d’abandonner une partie de ses pouvoirs. Ils ont l’avantage de le rendre plus disponible. Quant à l’élève, il passe du « il faut » au « je fais » et à l’ensemble de la classe ainsi davantage responsable de son travail.
Jean-Marie Diem
2. Une expérience de notation au niveau du collège
Le fait que cette expérience de pédagogie personnalisée se déroule dans le contexte d’un collège classique où les élèves doivent avoir des résultats trimestriels rend la mise en place d’une notation assez complexe. Elle doit satisfaire aux obligations administratives et sociales de l’école tout en collant le plus possible à la réalité du travail pour encourager l’élève dans sa progression personnelle.
Les contrôles collectifs permettent à l'élève de se situer dans un niveau de classe. Comme cette note peut être corrigée puisque chaque élève est suivi personnellement dans sa progression de travail réel, ces contrôles sont réduits à des compositions trimestrielles (1 par trimestre).
Celles-ci peuvent même être valorisées et prendre le rôle de préparation à des examens ou des concours. Ce ne peut être possible que si, dans toutes les matières, on procède ainsi.
Débarrassé de la notion de niveau, le contrôle continu colle davantage à la réalité du travail effectué par chaque élève.
Il ne peut se confondre avec la pratique habituelle des contrôles collectifs qui ont l'inconvénient (ou l'avantage uniquement pratique !) de maintenir l’ensemble des élèves dans une situation de jugement continuel de leur niveau.
Il faut donc éviter de chiffrer trop souvent les travaux des élèves pour leur conserver la gratuité de l'acquisition d'un savoir.
On constate rapidement que les élèves travaillent volontiers sans note pour peu qu'on leur ôte l'ambiance de compétition continue.
Le professeur peut (sans les communiquer chaque fois à ses élèves) amasser des notes qui évaluent diverses tâches : un travail bien fait, un effort fourni au cours de la progression de chaque élève....
Il a pour cela :
les corrections de travaux individuels (par exemple, en français, expression écrite, entraînement)
l'observation qu'il fait en classe du comportement de l'élève : de ses capacités de concentration, de sa volonté d'apprendre etc..
des feuilles individuelles de suivi qu'il peut consulter à tout moment. Ces feuilles individuelles de suivi bien remplies et bien tenues témoignent de l'intérêt de l'élève pour son travail et ses progrès.
Dans le cas de contrôles individuels, la note est portée sur la feuille du devoir et sur la feuille individuelle correspondant au devoir. Les notes de « contrôle continu » peuvent (et doivent) venir corriger la note trimestrielle.
Autrement dit, il y a trois types de notations :
Une notation normative ou "sociale" : note de niveau et de compétition (une seule suffit en fin de trimestre).
Une notation par contrôles individuels correspondant à un acquis réel de chaque élève sans compétition (notation formative),
Une notation soumise à un jugement plus subjectif du professeur. Ces notes seront toujours positives, données au cours de la progression correspondant à tout aspect du travail (notation formative).
Anne-Marie Cordin
3. La note de qualité de travail
Professeur, j’ai pu constater qu’en pédagogie personnalisée, les élèves pouvaient travailler sans souci des notes. Certains avaient même fait la remarque qu’ils travaillaient mieux quand ils ne faisaient pas de la note l’objectif essentiel, quand ils travaillaient « gratuitement ». Cependant, il m’avait fallu m’adapter au système de notation utilisé par l’établissement où j’étais la seule à pratiquer ce type de pédagogie. Il fallait donc des notes. J’ai exposé dans la lettre précédente (p.18) comment je les obtenais.
Devenue directrice, après avoir progressivement mis en place des ateliers de pédagogie personnalisée sur toutes les classes du collège, je me suis aperçu que pour les élèves, les parents et les professeurs, les notes et les moyennes, malgré les effets pervers de l’esprit de compétition, restaient des repères compris par tous et qu’il fallait seulement en faire des outils utiles aux progrès des élèves, à la participation des parents les plus soucieux de suivre leurs enfants et au dialogue pédagogique professeur-élève.
Au lieu de supprimer les notes, nous avons créé une double notation :
Celle des résultats de niveau en la rendant la plus neutre et la plus objective possible afin de permettre aux élèves une préparation à leur orientation de fin de collège et d’éviter ainsi les déceptions de fin de troisième.
Celle de la qualité de travail qui peut rendre compte des efforts fournis par chaque élève dans son travail personnel de façon la plus concrète possible.
C’est une évaluation par critères,
Les critères sont établis par le professeur. Certains sont communs à toutes les matières et concerne le comportement de l’élève devant le travail. D’autres sont propres à chaque matière.
Pour son auto évaluation, l’élève se réfère à ces critères. Aidé par son professeur, il peut ainsi mieux déterminer ses points forts et ses points faibles et être encouragé à progresser :
Exemple de Note de qualité de travail
AUTO EVALUATION du TRAVAIL PERSONNEL
Rythme de travail
Je pense avoir travaillé régulièrement sans perte de temps excessive et plusieurs programmes ont été validés : 4 ou 5
Je pense avoir perdu du temps et avoir travaillé irrégulièrement, j’ai rendu plusieurs programmes, un seul a été validé : 3 (un contrôle d’atelier équivaut à un programme)
Je pense avoir beaucoup traîné et avoir perdu beaucoup de temps, je n’ai travaillé qu’un programme qui n’a pas été validé : 2
Je n’ai rien fait : 1
Approfondissement
J’ai fait mon travail en cherchant à comprendre et en respectant les consignes et j’ai toujours bien corrigé en cherchant à comprendre comment éviter les erreurs que j’avais faites : 4 ou 5
Parfois, je suis passé(e) trop vite sur une notion, j’ai travaillé plusieurs fois sans bien réfléchir, j’ai corrigé superficiellement : 3
J’ai corrigé souvent sans bien comprendre, j’ai écrit sans chercher à retenir, j’ai copié plus que je n’ai réfléchi : 2
J’ai fait semblant de travailler ou je n’ai rien fait, j’ai bâclé mon travail : 1
Validations
J’ai validé au moins 5 notions, j’ai eu le maximum des points : 5 (ou : j’ai validé l’ensemble du travail demandé)
J’ai validé plusieurs notions (ou : plusieurs étapes) mais j’au-rais pu en valider davantage: 3 ou 4-
J’ai validé une seule notion : 2 (ou : j’ai passé au moins une validation mais qui n’a pas été validée par le professeur)
Je n’ai rien validé : 1
Autonomie
J’ai respecté les principes de la CHARTE : 5, si c’est le cas pour tout sur toute la période.
4 puis 3 ou 2 selon les manquements aux principes.
1 si je n’ai rien fait.
Vous allez évaluer votre travail d’atelier en fin de période : mettez une croix dans la case qui correspond. Une croix à cheval sur deux cases correspond à un demi-point.
Signature des parents :
Anne-Marie Cordin
4. Libertés actions et exigences : une bonne entente
— Les enfants font donc ce qu’ils veulent dans votre classe ?
— Ah! Mais non, ma p’tite dame, ce ne sont pas des sauvages errant dans la jungle !
Bon, soyons sérieux. Cette remarque peut venir -à juste titre- de la part de parents d’élèves, de collègues, ...D’où ces quelques lignes suivantes :
Quand un enseignant ressent l’intérêt de mettre en place la pédagogie du Travail Personnalisé et Communautaire, il doit avoir au préalable des exigences envers lui-même. Il doit s’être posé clairement les pourquoi, les comment et les buts pour emmener en toute sérénité les enfants vers les objectifs fixés.
Si le cadre d’action est bien défini, c’est à l’intérieur de celui-ci que les enfants pourront agir librement en toute sécurité et confiance.
Exigences dans l’organisation de l’espace classe. En Travail Personnalisé et Communautaire, une classe c’est une ruche bourdonnante. Il y a naturellement un fond sonore. A l’enseignant d’en vérifier le besoin et d’en tolérer l’intensité. Il y a naturellement des déplacements et des changements de place. A l’enseignant d’en vérifier l’utilité et la manière de le faire. Les enfants prennent et remettent en place le matériel dont ils ont besoin. A l’enseignant de faire respecter le système de rangement et l’entretien du matériel pour que chacun puisse s’y retrouver.
Exigences dans la réalisation et la qualité du travail des enfants Pour aborder certaines notions, il y a des étapes à respecter, à parcourir. Selon l’enfant en difficulté ou en aisance devant lui, l’enseignant doit en faire sentir (ou non) l’obligation. Que ce soit en activité d’écriture ou de manipulation, la présentation doit être agréable et lisible. Poser du matériel de manière rigoureuse sur un tapis, c’est aussi mettre de l’ordre dans son esprit. C’est un point qui peut être discuté avec les élèves lors des présentations communautaires.
Exigences dans les choix de travail des enfants. L’enseignant doit avoir une bonne observation du comportement de chacun de ses élèves envers sa mise en action et se demander, puis lui demander pourquoi il agit ainsi. Un enfant qui attend que le temps passe, est-il en réflexion ou sans envie, a-t-il compris que c’est à lui de mener sa barque? Un enfant qui se dispense constamment de certaines activités, a-t-il une difficulté ou une crainte particulière ? On doit alors l’accompagner ou le faire accompagner par un autre élève dans une tâche pour voir où est le problème. L’enseignant doit élaborer des outils qui lui permettent de savoir exactement où en est chacun de son parcours.
Exigences dans l’entraide communautaire C’est un point dont il faut discuter régulièrement avec l’ensemble des élèves pour faire prendre conscience des manières d’agir afin d’en établir des règles. Donner une consigne ou vérifier le travail d’un autre élève, ce n’est pas faire à sa place. Dans la classe ce n’est pas toujours aux mêmes qu’il doit être fait appel si besoin d’aide. Dans les moments communautaires, chacun doit pouvoir y présenter ce qu’il a fait ou appris, dans le plus grand respect. L’enseignant doit trouver un moyen pour que tous y participent.
Mettre des enfants en liberté d’action en apprentissage demande ainsi aux enseignants de nombreuses exigences envers lui-même et envers ses élèves. Tout en étant attentif à un enfant en particulier, l’enseignant aura toujours un œil et une oreille dirigées sur l’ensemble de ce qui se vit dans sa classe.
Dominique Randriamanantsoa