objectifs et méthode
- Choisir sa méthode
Pour nous, la qualité de l’enseignement donné aux élèves est étroitement liée à l’attitude de l’enseignant qui demeure première. Mais elle est considérablement enrichie par la méthode dont l’enseignant doit garder le choix. Dans le système qui préside à l’enseignement en France, que ce soit dans l’enseignement public, dans l’enseignement privé sous contrat ou dans l’enseignement donné hors contrat, le choix de sa méthode appartient théoriquement à l’enseignant. Toutefois, il faut bien reconnaître que le ressenti de la place de l’inspection dans la carrière d’un enseignant le perturbe trop souvent et limite son adaptation aux élèves tels qu’ils sont.
Choisir une méthode dont on a découvert la qualité et les résultats, être capable de la justifier, la pratiquer en tenant compte de l’apprenant, permettent de conquérir cette liberté qui ne doit pas céder devant les pressions d’où qu’elles viennent. La formation que propose l’association Louis Beaulieu s’inscrit dans cette perspective. Elle apportera aux enseignants qui en feront le choix la capacité à créer, s’adapter, et donner aux enfants et aux jeunes les moyens nécessaires pour qu’ils puissent construire un savoir structurant et une personnalité épanouie.
Etienne Petit
2. Oser le changement
Tous ceux qui ont approché, ne serait-ce qu’un peu, une école ou une classe personnalisée ont été convaincus qu’il y avait là un idéal ainsi que des perspectives et des méthodes tout à fait intéressantes et innovantes. Ils ont pu découvrir des élèves actifs, responsables et préoccupés par leur travail. Chacun semblait savoir ce qu’il avait à faire et comment le faire. Quelques-uns travaillaient seuls, d’autres discutaient sans déranger leurs voisins. Mais l’enseignant était là et bien présent. Il circulait de l’un à l’autre, proposait à voix basse, guidait les indécis, évaluait le travail et les progressions, le tout dans un climat où respiraient la confiance, le bien-être et l’esprit de recherche.
Pourtant beaucoup d’enseignants hésitent à s’y mettre. De telles méthodes bousculent trop d’habitudes. Et puis que diront les directeurs, les inspecteurs, les parents ? Et les élèves, arriveront ils au bout du programme ? Ne risque-t-on pas l’anarchie ou la pagaille ? Et puis surtout, comment l’enseignant pourra-t-il suivre la progression personnelle de 25 élèves ou plus en même temps ?
Les excuses ou les préjugés non fondés sont nombreux. En réalité, Il ne faut pas exagérer les difficultés. Certes on n’arrivera pas du premier coup à personnaliser entièrement son enseignement. On pourra débuter avec peu de choses et dans un temps limité en proposant, par exemple, quelques travaux individualisés à partir d’un livre ou de quelques fiches.
Très vite on sera surpris de constater que les élèves se réveillent dès qu’on se tait… qu’ils s’organisent dès qu’on cesse de les contraindre. Du même coup, l’enseignant aura moins peur. Il se sentira rassuré et plus à l’aise. L’expérience se révélant positive, il y prendra goût et il réservera de plus en plus de temps dans ses horaires à des recherches personnelles.
Bien sûr, pour aller plus loin, il lui faudra se former, se documenter et aussi trouver des collègues plus avancés qui pourront l’aider et le conseiller. Peu à peu, il se procurera des outils du commerce. Il affinera ses directives de travail et façonnera lui-même de nouveaux instruments de travail. En définitive, tout cela demandera un peu de patience et aussi beaucoup de convictions. Ce qui est certain, c’est qu’avec de telles méthodes, l’enseignant pourra trouver une plus grande fierté professionnelle.
Jean Marie Diem
3. Ouvrir des sources
Deux grands défis sont lancés aujourd’hui à nos sociétés : celui du développement durable dans une planète qui « crie » face à la « culture du déchet » dénoncée par le Pape François dans son Exhortation apostolique Laudato Si’, et celui de l’éducation. Car la jeunesse, à l’échelle du monde, « crie » elle aussi, faute de paix, de maîtres ou de parents, faute d’avenir et d’espérance… Mon propos est de souligner l’extrême solidarité de ces deux défis, en suggérant que l’éducation est en elle-même énergie renouvelable, commerce équitable et développement durable. En effet, sans la mise en œuvre de médiations éducatives, les nécessaires choix technologiques, économiques, sociaux et politiques qu’exige l’état de notre planète resteront lettre morte. D’autre part, penser la tâche éducative selon ces catégories que l’urgence d’une « écologie intégrale » a mises en avant peut nous aider à renouveler et à dynamiser nos approches de l’éducation.
Energie renouvelable : le P. Teilhard de Chardin disait déjà que l’énergie humaine est de toutes la plus précieuse. Chaque génération en constitue un jaillissement aussi imprévisible qu’inépuisable. Encore faut-il que cette énergie, promesse de tous les renouveaux, soit reconnue, canalisée et haussée à sa plus haute mesure : c’est à quoi s’ordonne l’éducation tout entière. Ne prenons pas notre parti des Mozart assassinés, faute d’avoir trouvé sur leur chemin l’éveilleur qui les aurait conduits vers leur plus haute mesure…
Commerce équitable : non le commerce des choses, mais celui, combien plus vital, des générations, de leurs pensées et de leurs sentiments, de leurs projets et de leurs rêves. De ces biens sans prix que sont la vérité et le bien, la beauté, la fraternité... Entre adultes et jeunes, la relation éducative, si elle se refuse aux facilités de la séduction ou de la contrainte, est le commerce pleinement équitable, qui autorise le jeune à grandir, et l’adulte à regarder l’avenir avec une active confiance. Un commerce équitable ne signifie pas une relation aisée ni sans conflits, mais signifie une relation toujours relancée par le souci de faire bonne justice aux attentes des jeunes, aux opportunités du présent et aux héritages du passé.
Développement durable : en matière d’éducation il ne s’agit pas seulement de déceler des ressources. Il s’agit d’ouvrir des sources. Nul ne sait quel développement inédit auront, en ceux qui les reçoivent à neuf, les acquis de la science et de la culture, les témoignages de l’éthique et de la foi. Mais leur transmission est notre tâche pour aujourd’hui. Les jeunes sentent souvent mieux que leurs aînés les urgences, mais ils ne les transformeront pas sans eux en choix responsables.
Chrétiens, ne sommes-nous pas les premiers concernés par cette mission éducative ? Car nous savons, ou pressentons, que les énergies divines, la charité de Dieu, et la vocation d’éternité de chaque enfant ouvrent devant chacun de ces défis un horizon immense…
Marguerite LENA
NDLR : Merci à Marguerite LENA de la Communauté Saint François Xavier
et aux Semaines sociales de France de nous avoir autorisés à reproduire
le texte résumé de son intervention aux Semaines Sociales des 19 et 20 novembre 2016.
4. Réussir à l'école
C’est le vœu inconscient de chaque enfant, le souhait affirmé de chaque parent. C’est aussi le désir de l’enseignant qui y voit le gage de sa propre réussite et la preuve de sa compétence à exercer le métier. Réussir est un projet fondamental pour lequel chaque personne se mobilise, souvent avec ardeur, sinon avec acharnement, et qui mis en route, dès le jeune âge, réunit toutes les énergies matérielles, humaines, sociales, intellectuelles, spirituelles et montre à quel point l’homme est l’acteur de sa vie.
Mais les personnes ne sont pas à l’identique pour réussir leur vie. Les conditions du succès sont multiples, variées, souvent indépendantes du bon vouloir de chacun et presque toujours liées à la volonté farouche de l’accompagnant au début du parcours. Et comme personne ne ressemble à personne, les diversités des uns et des autres sont une richesse incommensurable qui fait la variété et la beauté d’une société. Car chaque personne, en recevant le don de la vie, est armée de forces intérieures si grandes que toutes les chances lui sont données. Le chemin qui sera le sien aura ses roses et ses épines, mais il sera une route que lui seul pourra parcourir selon sa liberté et ses compétences acquises et maitrisées. Lui seul aura une place originale et particulière dans la vie qui sera source de richesses, d’échanges, de conflits, de démarches et d’avancées repérables.
Pour réussir, le jeune a d’abord besoin d’être accueilli. C’est la première des conditions. Les adultes doivent prendre le temps nécessaire pour accueillir et engager une vraie rencontre. Ainsi le jeune devient important ; il compte aux yeux des autres. Et Il ne faut pas oublier qu’il arrive à l’école avec une histoire, un environnement, des relations. Ce ne peut être un numéro parmi d’autres. Avec les enseignants, le jeune va accomplir un bout de chemin, en collaboration avec les parents. Il a besoin non seulement d'être accueilli mais aussi d'être identifié, situé, connu et reconnu, puis valorisé, formé, engagé et responsabilisé.
Etudier et apprendre demandent de l’organisation et des efforts. Maîtriser une notion, c’est l’appréhender dans son ensemble, de sa découverte à son utilisation pratique. C’est beaucoup d’exercices, d’attentions, de travail, de réflexions et de démarches personnelles.
L’élève est le véritable acteur de ses progrès. A l’enseignant de lui proposer des activités valorisantes, stimulantes, progressives, adaptées aux exigences de l’esprit de l’élève et de jalonner son parcours de soutien et d’aides appropriées. Il faut lui apprendre à apprendre, réfléchir avec lui sur les conditions et moyens de ses propres dispositions, et le mettre sur la voie de méthodes correspondant à ses capacités. Apprendre tôt, vite et bien est un avantage et aussi une nécessité.
Mais sans investissement personnel, les chances de réussites du jeune sont réduites. Chacun, se situant dans un contexte donné et dans une perspective motivante, se prend en charge et organise ses activités en vue d’une acquisition dont il aura seul, en définitif, la maîtrise.
On n’a jamais fini de réussir.
Ceci vaut pour chaque personne.
C’est aussi un idéal humaniste et chrétien :
Réussir l’Homme et tout l’Homme.
Monique Le Gall
5. Accueillir la différence
L’enseignant est quotidiennement appelé à accueillir la différence dans sa classe. Il y a les élèves qui comprennent vite, ceux qui ont besoin de plus de temps, et ceux dont les capacités mentales ou psychologiques ne peuvent suivre le rythme de leurs camarades ; chacun d’eux risque de s’impatienter, de se décourager ou de se marginaliser, et peutêtre de devenir d’inlassables perturbateurs dès que le rythme ne leur convient plus parce que trop lent ou trop rapide. Vivre un projet de classe dans ces conditions est un défi. Est-il possible de le relever et comment ?
Historiquement c’est ce défi des jeunes en situation de handicap, les mal-aimés de l’école ou de la société, qui a souvent formé de grands éducateurs - connus ou moins connus. Ils ont refusé l’exclusion de ceux dont l’intelligence et le cœur ont été blessés ; ils ont accueilli chaque enfant ou chaque jeune tel qu’il est, puis ils ont recherché avec conviction les chemins qui pourraient lui donner envie de grandir et où il reconnaîtrait sa dignité d’homme.
Avec Don Bosco, Maria Montessori, Pierre Faure et bien d’autres pédagogues, nous avons de merveilleux exemples de la recherche et de la pertinence de parcours de réussite pour chacun, quelle que soit sa différence. Mais existe-t-il pour autant une pédagogie spécialisée ?
Dans tous les écrits de ces pédagogues, quelques mots-clefs sous-tendent leurs intuitions et leurs propositions:
le regard positif et respectueux de l’éducateur. «Je t’apprécie et même je t’aime comme tu es » ; et s’il y a faute : "Tu n’es pas ce que tu as fait".
la compétence de l’enseignant qui a acquis une bonne connaissance des causes possibles à l’origine des difficultés, et qui maîtrise les remédiations à envisager.
la recherche et la mise au point d’outils de travail adaptés. Dans un premier temps ce n’est pas l’élève ou le jeune qui doit s’adapter, mais bien l’outil envisagé pour l’acquisition qui doit être adapté au projet.
la confiance réciproque : « Par ce que je te fais confiance, tu vas pouvoir avoir confiance en moi et en toi»
l’exigence. Elle aidera le jeune à donner le meilleur de lui-même. Elle doit cependant rester adaptée à la personne concernée.
la mise en situation de réussite, après avoir repéré les acquisitions solides sur lesquelles il est possible de continuer à construire
amener le jeune à devenir partenaire de sa formation et décider avec lui les engagements qu’il est bon qu’il prenne.
la solidarité avec les camarades. Par exemple apprendre à partager ses acquis, ce qui fortifie aussi les siens.
enfin goûter la joie de grandir au-delà des efforts exigeants que cela suppose.
La différence est indispensable sous peine d’un terrible ennui, aime à dire J.M. Petitclerc. On ne peut l’ignorer mais il n’est pas facile de l’assumer, particulièrement si elle devient un obstacle. Pour de nombreux éducateurs la prise en compte des différences a été l’opportunité d’une saine remise en question et est devenue une source de progrès. Ils ont mis toute leur intelligence au service des enfants rebelles aux méthodes traditionnelles et collectives et ils les ont accueillis dans des établissements adaptés. Très vite, en voyant les résultats de cette éducation, les parents leur ont instamment demandé d’accueillir aussi leurs enfants « sans difficultés ». Il n’y avait plus de pédagogie spécialisée mais une seule pédagogie.
La différence mise au cœur de la pédagogie est définitivement un atout...
Marie-Christine de Kerangat-Toussaint
6. Apprendre aux bons moments
Dès la naissance, chacun est mis en situation d’apprentissage et chaque minute de vie apporte des informations qui sont assimilées immédiatement. Même si l’éveil paraît lent, il se fait au rythme de chacun et jour après jour, selon les capacités d’imprégnation propres à chaque âge, selon aussi la richesse de l’environnement et les propositions des adultes. Les connaissances s’organisent, se structurent, s’affinent et se fixent. Elles vont constituer un fond culturel précieux dans lequel chacun ira puiser lorsque les besoins se manifesteront.
C’est de cette façon que se préparent la reconnaissance du milieu, le langage, la prise progressive d’autonomie, l’éveil sensoriel, la connaissance par les perceptions, l’analyse des situations, la transmission des informations, l’organisation du discours, la réflexion, l’abstraction… De là aussi naissent les peurs, les craintes, les refus, les intolérances, les oppositions, les échecs. Les apprentissages, pour tous, selon des schémas à peu près identiques mais très personnalisés se mettent en place tout au long de long de l’enfance, et tout au long de la vie.
C’est naturel, disons-nous et cela se fait sans pression, au moment opportun pour chacun, dans un temps précis, dans l’effort, certes, mais dans la sérénité, sous les regards attentifs et bienveillants d’adultes encourageants. Des périodes bien identifiées et repérables sont nommées par Maria Montessori « périodes sensibles ». Elles sont des temps privilégiés durant lesquels un apprentissage intensif s’élabore et se finalise. Elles durent assez peu de temps et rassemblent les énergies de celui qui apprend et acquiert une nouvelle autonomie. Elles sont des temps d’efforts, d’exigences, mais surtout des temps ou l’intérêt est la source des mises en œuvre et des apprentissages. Bien des préalables les facilitent, mais elles se manifestent souvent de manière explosive.
Il marche, elle est propre… Il parle... Il lit … Ces « maîtrises » sont indispensables à la poursuite des acquisitions. Le puzzle se met en place. Chaque chose se faisant en son temps, on ne revient sur ce qui est acquis que pour affiner.
D’étapes en étapes les conquêtes se font. L’enfant grandit. Il progresse et devient capable de cumuler les savoirs, de franchir les épreuves, sans forcer. Maîtriser une nouvelle acquisition est une conquête personnelle qui renforce la confiance en ses capacités et met en route pour de nouveaux progrès.
Mais c’est aussi prendre la mesure de son énergie, de sa force intérieure, de sa capacité à franchir des étapes et de savourer la satisfaction que le savoir- faire apporte. Ceci implique un engagement intensif de chacun, et lorsque c’est possible, les efforts ne se comptent plus. L’activité déployée en est le témoin, et, le plaisir pris, le résultat. C’est de cette façon que l’intégration à un milieu se fait, que les habitudes de vie se fixent, que les relations aux personnes, aux choses se stabilisent.
A l’école, si les étapes de scolarisation sont respectées, la démarche est la même. Il n’y a pas lieu de s’inquiéter et de douter. Les acquisitions s’imposent et se succèdent. Il y a un temps pour apprendre à écrire, pour apprendre à lire, pour apprendre à compter, pour apprendre à composer… On ne peut tout faire à la fois. Et si la répétition est souvent nécessaire, elle n’est pas forcément adaptée à tous; elle risque d’empêcher la réflexion et donc la compréhension.
Monique Le Gall
7. La stabilité en pédagogie
La pédagogie personnalisée n’est pas un gentil papillonage. Elle nécessite de la rigueur et un certain nombre d’exigences. Dans un monde insécurisant et en constante transformation, les enfants et les jeunes sont de plus en plus vulnérables. A l’école, ils ont besoin de stabilité, de points de repères et de références. La continuité dans les apprentissages, techniques et méthodes, est une nécessité. On ne peut constamment changer d’orientation ni d’outils d’apprentissage. Il est préférable d’utiliser les mêmes procédés, la même approche, les mêmes habitudes, tant que l’élève n’est pas vraiment engagé et sécurisé. Si non, des changements permanents créent de l’instabilité, du découragement et parfois du désarroi, donc de l’indiscipline et du désordre. A vouloir continuellement modifier nos manières de faire nous n’aidons pas les élèves, nous ne faisons que les rendre plus fragiles et plus désorientés.
Aussi nous pensons qu’il serait souhaitable que les élèves puissent suivre un cycle complet dans l’établissement avec la même équipe d’enseignants et, si possible, avec les mêmes méthodes : trois années en classe maternelle, cinq années à l’école élémentaire, quatre années au collège et trois années au lycée. Cela suppose, tout au long de chaque cycle, la construction de programmations où les apprentissages de fond sont prévus et répartis par l’équipe d’enseignants en progression et en continuité, constituant ainsi l’ossature des notions à acquérir. Le but est de fournir aux élèves, pour une ou plusieurs années, la liste des apprentissages indispensables leur permettant de savoir où ils vont et ce qu’ils ont à faire.
Cela suppose qu’on accepte de donner aux jeunes le temps et les outils nécessaires pour assimiler et maîtriser, en fonction de leurs aptitudes, un ensemble de connaissances. On peut alors organiser avec les élèves des moments de travail personnel où ils pourront approfondir une matière de préférence à une autre, ou avant telle autre . Des guides de travail, documents, exercices, évaluations et outils indispensables et spécialisés permettront à chacun de se documenter, de s’enrichir par des observations, des lectures, des réflexions, ou des expériences personnelles.
Par ailleurs, l’observation sur l’évolution mentale du jeune montre que, pour consolider ses acquis et construire du nouveau, il est toujours à la recherche de l’identique : « c’est comme », « c’est pareil que… » ; dit-il souvent. Il fait ainsi continuellement retour aux acquisitions antérieures pour construire ses connaissances nouvelles. Il va du connu vers l’inconnu. Il structure sa pensée. Cette démarche sécurisante reste valable pour tous. Aussi des renforcements constants et des retours seront nécessaires. La progressivité vécue par l'élève alors est le gage du succès.
Il convient également de constituer un environnement stable et sécurisant. Un certain nombre de règles sont nécessaires telles que, par exemple, le respect des horaires, l’engagement d’aller jusqu’au bout d’un travail, l’obligation de rangement du matériel ou des livres après utilisation, la tenue d’un dossier personnel comprenant les programmes, les réalisations avec leurs résultats, ainsi que le visa des professeurs ou des parents...
Si les élèves peuvent prévoir eux-mêmes ce qui les attend, si on leur permet de s’investir et de maîtriser les tâches à accomplir, s 'ils sont responsabilisés, s’ils peuvent vérifier leurs acquisitions, ils prendront à cœur et en charge leur travail. Ils ne seront plus passifs. Ils construiront eux-mêmes leurs savoirs et donc leur avenir. Leur mobilisation est garantie et leurs difficultés contournées... Nous constatons dans l’enseignement personnalisé que chacun en est capable
Monique Le Gall
8. Apprendre à être responsable
Il devient difficile aujourd’hui de trouver des responsables lorsqu’on veut pourvoir des postes d’autorité ou recruter des bénévoles dans une association. La réalité, c’est que beaucoup fuient les responsabilités. Notre monde aseptisé et hyperprotecteur ne pousse-t-il pas à l’individualisme et au chacun pour soi ? Et pourtant, l’actualité récente, avec les gilets jaunes, montre bien que beaucoup voudraient s’exprimer, être consultés, et participer davantage. Chacun aspire à vivre dans une autre société, une société plus fraternelle et plus juste. Mais n’est-ce pas utopique de penser que cela puisse se faire sans aucun responsable ? Nous sommes tous concernés, les jeunes aussi. Mais nous pensons qu’à leur tour, les enfants, devenus adulte, auront peur des responsabilités s’ils n’y sont pas préparés.
En pédagogie personnalisée, l’’un des principaux objectifs est de faire en sorte que tous les élèves se sentent réellement responsables de leur travail. Cela commence par la confiance et la considération de l’adulte. A tous les âges, les enfants et les jeunes y sont sensibles. Ils se sentent pris au sérieux. L’enseignant est là pour organiser l’environnement et créer les conditions nécessaires à la prise en charge de leur travail par les jeunes. Il n’est pas là pour faire ce que les élèves peuvent faire eux-mêmes. Son rôle est de les guider, de les encourager, de les stimuler, non de les remplacer. A chaque élève de chercher, de découvrir, d’effectuer des choix, d’expérimenter, de comparer, de reformuler et aussi de s’auto-évaluer. Dans une classe personnalisée, chacun sait ce qu’il a à faire. Chacun est responsable de son travail.
L’école doit aussi faire découvrir très tôt l’utilité d’exercer des responsabilités. Elles pourront être modestes pour les plus jeunes ou plus élaborées pour les plus grands. Chaque élève doit en effet pouvoir trouver sa place dans ce microcosme qu’est la classe et aussi dans cette communauté plus grande qu’est l’école.
Au collège de Maurice Feder à Longwy, il y avait toutes sortes de charges : des facteurs, des secrétaires, des préposés au bon ordre matériel, à l’aération, au ravitaillement en craie, aux visites d’élèves malades, à la mise à jour du tableau d’actualité ou de celui des fêtes et anniversaires de chaque élève… Les responsabilités pouvaient être plus ambitieuses et nécessiter la contribution de plusieurs élèves, par exemple pour l’organisation d’un spectacle, d’un tournoi sportif ou encore pour pratiquer la solidarité avec une école d’un pays lointain… Il y en avait pour tous les goûts et, chaque jour, l’enseignant ou l’un ou l’autre élève pouvaient proposer des responsabilités nouvelles, si bien qu’il n’était pas rare que certains cumulent deux ou trois charges. Ceux qui n’avait aucune responsabilité, c’est qu’ils ne le voulaient vraiment pas.
Ainsi, par l’exercice de responsabilités, chaque élève peut prendre conscience de lui-même, de ses goûts et de ses préférences. Il sait aussi qu’il devra rendre des comptes à un moment ou à un autre, notamment lors de ces regroupements qu’on appelle « mises en commun » ou « conseils d’animation ». Il sera fier de ses réussites mais aussi mortifié de ses oublis et de ses échecs. Il pourra ainsi prendre conscience de ses actes et des répercussions que cela pourrait entraîner pour le bon fonctionnement de la communauté où il vit.
Jean-Marie Diem
9. Encourager la créativité
A l’école, les enseignants ne doivent pas se contenter de transmettre des connaissances. Il faut aussi qu’ils développent chez les jeunes la créativité, en leur permettant de faire preuve d’une pensée originale et personnelle. C’est ce qu’on appelle habituellement « la pensée divergente » par opposition à la « pensée convergente ». Cette dernière consiste à obtenir une information unique. L’adulte pose une question qui ne permet qu’une seule et bonne réponse. En revanche, dans la pensée divergente, l’accent est mis sur la variété, l’originalité et la pluralité de réponses possibles.
Pour encourager la créativité, on peut bien sûr demander au jeune de peindre, de composer un chant, de rédiger un texte libre. Mais on peut aussi employer toutes sortes d’exercices spécifiques qui peuvent être utilisés à l’école mais aussi à la maison, par exemple en période de vacances.
Le but est d’apprendre aux jeunes à porter un regard neuf et à exercer leur sens critique. Voici quelques exemples de ce qu’on peut leur proposer :
Faire rechercher toutes les utilisations possibles et originales d’un objet, tel qu’une simple boîte de carton,
Présenter des tâches dans lesquelles il faut poser des questions et non trouver des réponses.
Faire rechercher des solutions multiples à un problème,
Trouver des titres imaginaires et nouveaux pour des livres ou des films,
Proposer un slogan publicitaire pour un article fréquent de consommation,
Entraîner les jeunes, de temps à autre, à ce qu’on appelle le « brainstorming » en organisant des petits groupes chargés de trouver une ou plusieurs solutions à une question,
Demander aux jeunes d’écrire la légende de dessins ou d’écrire de nouvelles « bulles » de bandes dessinées de la manière la plus drôle,
Réécrire en quelques lignes un texte triste ou ennuyeux de manière attrayante et gaie,
Ecrire un court scénario humoristique dans une langue étrangère,
Compléter des histoires pour faire suite à un texte ou un livre.
Etc.
D’une manière plus générale, on peut aussi ajouter une dose de pensée divergente à l’intérieur même des exercices d’acquisition. Pour Pierre Faure, « toute méthode faisant appel à la créativité sera plus formatrice, tout exercice incluant une part de créativité sera plus fécond. » Mais, pour lui, l’éducation à la créativité ne doit pas inviter à la fantaisie du moment ni au farfelu sans lendemain. Pierre Faure ajoutait d’ailleurs qu’il ne fallait pas de « créativité sans rigueur, ni non plus de rigueur sans créativité... »
Enfin, il ne faudrait pas tomber dans l’angélisme et s’extasier systématiquement devant des écrits ou des dessins qui peuvent être en définitive tout à fait banals, voire insipides. Tous les enfants ne sont malheureusement pas des petits génies. Et il faut donc leur apprendre que les hommes les plus créatifs, que ce soit des écrivains, des musiciens, des peintres ou des sculpteurs, doivent presque toujours déployer une somme de travail considérable pour être capable de créer ou d’inventer des éléments réellement nouveaux.
Jean-Marie Diem
10. Pour une rentrée réussie
Celle-ci se prépare. Le Général Pierre de Villiers, dans son livre « Qu’est-ce qu’un chef ? » (Editions Fayard 2018), au chapitre 9 : « faire réussir, c’est réussir », propose au chef qui doit exercer sa responsabilité quatre étapes à franchir : concevoir, convaincre, conduire, contrôler.
En ce temps de rentrée scolaire, on peut appliquer cette démarche à tout enseignant qui commence une année nouvelle auprès d’élèves ambitieux et heureux de progresser et de grandir. En effet leur réussite et leur succès seront les siens.
Concevoir : Prévoir et organiser le dispositif, le programme, les moyens et les stratégies permettent d’entamer une année fructueuse où les orientations et les moyens sont clairement perçus par les élèves, leurs parents et le chef d’établissement. Savoir où l’on va, avancer ensemble dans une direction voulue avec des outils adaptés, dans des conditions optimales c’est déjà prendre la bonne route. En enseignement personnalisé c’est disposer le local, présenter les instruments de travail de manière ordonnée et fonctionnelle, proposer les étapes d’apprentissages et les progressions de travail aux élèves, organiser les temps et les horaires, prévoir les activités…
Convaincre : Donner à chaque élève la conviction qu’il peut et doit apprendre, et que progresser est possible, s’il trouve sa place et la considération qui lui permettra d’avoir foi et confiance en ce qui le motive et l’entraine. C’est établir le climat, « l’ambiance » propice à la réussite, à l’échange, à l’entraide. Comprendre ce qu’on attend de chacun et tenir sa place dans le respect des aptitudes et des capacités personnelles sont des dispositions qui concernent tous les partenaires. Vivre et travailler en bonne intelligence permet le progrès de tous.
Conduire : Accompagner les activités, les apprentissages, les projets sans rien lâcher c’est la tâche de l’enseignant. Il a l’œil, il veille. La réussite est à ce prix. Mais il lui revient de veiller au développement de chacun de ses élèves et de s’adapter aux capacités des uns et des autres avec persévérance et intelligence. Il éveille, entraîne, soutient, fortifie. Il est « à la manœuvre » Et il doit aussi « bien se conduire » c’est-à-dire avoir pour lui les exigences qu’il demande à ses élèves.
Contrôler : Vérifier si les objectifs sont atteints est aussi de la responsabilité non seulement du professeur mais du responsable de l’établissement. Les parents attendent des résultats. Il est nécessaire de faire le point régulièrement non seulement des acquis, des difficultés mais aussi des comportements. Il faut apprendre aux élèves à se connaître, à corriger leurs erreurs, à se prendre en charge, à rendre des comptes, à vérifier leurs connaissances, à partager leurs idées, à développer leur esprit critique. C’est cela contrôler.
Les élèves ne manquent pas de projets, d’initiatives, d’imagination, de talents, de créativité. Les enseignants non plus.
Monique le Gall
11. En maternelle, apprendre à bien parler
Les apprentissages sont forcément progressifs et utilitaires. Ils sont liés à des périodes d’intérêt que Montessori appelle « périodes sensibles ». En effet sous la poussée d’un besoin et avec des forces acquises nouvelles, la nécessité entraîne l’enfant à oser, à agir. Il se dote ainsi d’une capacité « autre » pour acquérir la compétence.
Au début de sa vie, l’enfant acquiert un premier langage. Sans effort mental, il absorbe et mémorise ce qui l’entoure.
Lorsqu’il arrive à l’école, vers trois ans, il se situe dans une communication déjà acquise avec son milieu naturel, familial et social. Des imprégnations nombreuses ont déjà joué. Elles ont marqué son style et son mode de vie, et donc sa façon de comprendre, de communiquer, de réagir. Il a un milieu linguistique, une langue propre qui lui permet de créer des liens spontanés avec les membres de son groupe qui le reconnaît et l’intègre.
Les premières formes de communication sont souvent des échanges non verbaux, des mots liés à des gestes significatifs, à des cris même. Il s’agit de se faire comprendre.
Si l’enfant apprend à parler en famille, entre 3 et 6 ans, son langage devient explicite. C’est à l’école maternelle, en lien avec des activités structurées, que le langage se développe. Cette école bénéficie d’atouts précieux : la rapidité du développement enfantin, la curiosité du jeune élève, le plaisir d’apprendre, la bienveillance de l’entourage.
Puis vient le temps où il n’y a aucune réticence à répéter indéfiniment le même mot, la même phrase, à mémoriser quantité de noms, à enrichir le vocabulaire, à vérifier les sens possibles, à établir des liens, à rejouer des situations de communication, à copier le langage (comme les manières) de l’adulte, à parler en jouant. Le jeune devient capable de s’expliquer, de dialoguer, de prendre la parole dans une conversation et … d’écouter l’autre.
Mais surtout, il prend plaisir à vérifier la portée des mots. Ceux- ci ont un pouvoir, celui de créer des situations, de modifier des comportements, de se lier avec l’entourage.
Puis il faut faire le tri des mots qu’on utilise et ceux qui ne sont pas admis… C’est ainsi qu’on se fait comprendre et admettre dans le groupe. C’est ainsi qu’on acquiert une autonomie nouvelle. Le motif est puissant.
L’enfant parle, il s’entend parler, il entend bien parler. Le langage s’installe, mais il faudra l’améliorer. A l’adulte de vérifier les dispositions particulières ou les manques : mauvaise prononciation, difficulté d’articulation, bégaiements et autres petits défauts… Ceux-ci éveilleront le souci et les mises en œuvres des enseignants.
L’école a pour tâche de coordonner, d’enrichir, d’affiner ces acquis souvent modestes. Elle doit proposer une pratique correcte du langage, une pratique variée, juste, expressive et suggestive puis diversifier les expressions linguistiques sans omettre les plus accomplies : les créations poétiques.
Elle ne devra pas oublier que la diction et la manière de parler, et donc d’écouter, sont des apprentissages qui ne s’improvisent pas. Il faut aider les enfants à avoir « envie de dire ».
En assurant la maîtrise des langages, l’école donne à l’élève une grande autonomie personnelle.
Monique le Gall